Mission encre noire Tome 32 Chapitre 365. Mégantic, un train dans la nuit par Anne-Marie Saint-Cerny et Christian Quesnel paru en 2021 aux éditions Écosociété dans la collection Ricochets. « Il y a des hommes, mon enfant, qui sèment les ruines et la peine sans même un frisson de gêne», ce sont les premiers mots imprimés sur une aquarelle aussi belle que menaçante de cet album: un drone à la poursuite d'un oiseau dans un champ de ruines. Pour prendre conscience de l’ampleur de la lecture qui vous attends ici, il nous faudrait commencer par la fin ; un silence de recueillement. Il faudrait prendre le temps de prononcer chaque nom des 47 victimes fauchées lors de la tragédie de Mégantic. L’essayiste Anne-Marie Saint-Cerny s’invite dans l’univers de la BD aux côtés de l’auteur de bande dessinée Christian Quesnel, pour adapter en quelque sorte son essai choc, Mégantic, une tragédie annoncée paru en 2018 aux éditions Écosociété. Un livre qui a été lauréat du Prix Pierre-Vadeboncoeur en 2018 et finaliste aux Prix littéraires du Gouverneur général et au Prix des libraires du Québec en 2019. Cette histoire nous est contée par une grand-mère et sa petite fille qui se demandent, comme nous d’ailleurs, comment un train parti du Dakota du Nord, aux États-Unis, finit par causer l’une des plus grandes catastrophes ferroviaires de l'histoire canadienne à Lac-Mégantic, une municipalité de l’Estrie. Comment 72 wagons-citernes contenant 7,7 millions de litres de pétrole brut léger ont provoqué des explosions et un incendie qui ont détruit une bonne partie du centre-ville? Je reçois, ce soir, à Mission encre noire Anne-Marie Saint-Cerny et Christian Quesnel.
Extrait:« D'où est donc venu tout ce mal? Dès la première heure, la seule explication officielle reposait sur une explication simpliste: la catastrophe était due à l'erreur d'un homme seul, dans les montagnes, qui n'aurait pas mis assez de freins sur son train. Et dès la première heure, j'ai décidé que cette fois, j'allais déterrer la vérité: qui avait permis qu'un homme seul, justement, simple employé au bas de la chaîne, puisse laisser pour la nuit entière les clés sur le banc d'une locomotive en marche, tirant 72 bombes sur des rails brisés. Cette première enquête a été publiée avant le 5 ème anniversaire de la tragédie, en juin 2018. J'avais promis des réponses à mes amis de Mégantic. C'est un travail dont j'avais sous-estimé l'importance. Car à ce jour, le gouvernement du Canada, responsable de l'industrie ferroviaire, a absolument refusé toute enquête publique sur une tragédie qui a pourtant coûté tant de vies et détruit la moitié d'une petite ville. Les victimes n'ont toujours pas de réponses, le danger reste aussi grave - les trains roulent toujours la nuit en plein coeur de la municipalité, malgré l'annonce de la construction d'une éventuelle voie de contournement. Et ce danger, il court en fait à travers l'Amérique du Nord. L'industrie ferroviaire, elle, est préservée et prospère.»
L’équilibre de Cassie Bérard paru en 2021 aux éditions La mèche. Il sera une fois, dans un futur proche, un Parti politique  qui sera élu sur la base d'une promesse: instaurer le régime de l'équilibre et révolutionner le système. Des prisons individualisées verront le jour progressivement, dans votre cour arrière. Un nouveau modèle de système carcéral se met en place. Les citoyens, tirés au sort, deviennent du jour au lendemains des geôlier.e.s privatisé.e.s malgré eux. Après dix ans d’expérimentations, le projet prend l’eau de tout bord. De plus en plus de prisonniers s’évadent. Estelle, enquêtrice du bureau d’inspection pénitentiaire, situé dans le centre ville de Montréal, a l’intuition que le système se meurt. elle est chargée d'enquêter sur les multiples évasions en cours. Qu’en est-il du regard culpabilisant du citoyen qui observe son prisonnier à toute heure ou bien est-ce l’inverse? Qu’est-ce qu’implique l’existence d’oubliettes ou de bagnes individualisés? Que dit de nous l’implantation d’un tel système? Cassie Bérard évoque la question sensible de la prison moderne à venir. Quel regard posons-nous sur la mise en place possible d’un système soit disant plus humain?  À quelles nouvelles problématiques pourrions-nous être confrontés? L’autrice nous invite ici à un périple dystopique percutant, qui n'est pas sans nous rappeler une version orwellienne de surveiller et punir, de Michel Foucault. J’accueille Cassie Bérard, ce soir, à Mission encre noire.
Extrait:« La deuxième phase de la réforme touche la gestion. Une fois la revitalisation des prisons complétée à l'échelle du pays, il y aura révision des normes d'attribution. Le mode d'attribution des prisons est calqué sur le processus de sélection des jurés dans un procès. Mécanique à deux moteurs: une intervention des avocats et du juge. Pour les prisons cependant, c'est l'ordre inverse: l'Agence de la justice procède d'abord à l'évaluation de critères techniques - dimensions du lot d'accueil, quota de prisons par région, distance du lieu de résidence du prisonnier, etc.- et sélectionne, pour chaque cas, une dizaine de terrains propices. Parmi eux, on désigne au hasard le terrain où sera installée la cellule. Devoir citoyen: les geôliers n'ont pas le droit de s'opposer. Or, ce fonctionnement a généré au fil des ans des situations aberrantes. Elles sont rares mais posent de sérieuses questions. Par exemple, un couple de sexagénaires basé dans Lanaudière s'est vu attribuer une prisonnière, leur nièce, condamnée à cinq ans de détention pour avoir participé à un réseau de trafic d'organe. En ce sens, une proportion de la population reproche à l'agence de prioriser les aspects géographiques au détriment des réalités individuelles.»