Mission encre noire Tome 19 Chapitre 253 Tu aimeras ce que tu as tué de Kevin Lambert paru en 2017 aux éditions Héliotrope. Et si les morts décidaient de revenir vivre leur bout de vie volée ? Et si tous ces enfants, morts trop tôt, à Chicoutimi, en avaient plus qu'assez de toute cette fourbe normalité? Il ne fait pas bon vivre du côté de la ville de Saguenay, un contexte idéal pour déployer une allégorie des plus riche et délirante. Faldistoire se sent rejeté, il meurt à 4 ans. C'est injuste, il revient pour témoigner et nous raconter un monde insensé qui n'a que faire des différences. Un endroit, non loin d'ici, qui va être contaminé par la rage qu'il a, lui même, enfanté. Ce Premier roman est une vraie réussite, Kevin Lambert fait preuve d'un remarquable imaginaire et d'une redoutable plume frondeuse. Nous avons le plaisir de le recevoir à Mission encre noire.
Extrait:«Grâce à notre lien de parenté, je trouve des photos de Paule avant son opération dans des albums d'Angèle, la soeur de mon grand-père Fernand. Il avait été son garçon adoré avant d'être renié par toute la famille à cause de ses délires transsexuels. Quand on soupe chez ma grand-tante et que, un peu soûle, elle se met à parler de son fils unique enlevé par les démons de la sodomie parce que son père a jamais été présent pour le redresser, le prémunir contre les vices les plus tordus de la sexualité, je fais semblant de dormir sur le divan et j'écoute ses rengaines contre la vie qui donne toujours tout aux mêmes, contre la nature qui fait des familles de dix enfants sans qu'y en aille pas un de fucké pendant que ma grand-tante se ramasse toute seule à pelleter toute la marde du monde entier.»
Adel, l'apprenti migrateur de Salah El Khalfa Beddiari paru en 2017 aux éditions Mémoire d'encrier. Adel débarque au Québec en conquérant. Il ne tient plus en place, lui, le rêveur, Adel le juste. Arabe et musulman, il tombe en amour avec une société qui l'étourdit sous ses charmes. Paré de ses perles de glace et de braise, le pays va se révéler cependant, sous des atours moins avenants. L'apprenti migrateur, son bagage de philosophie et de poésie sur le dos, tel un ulysse déposé par le ressac, ne se doute pas encore de l'odyssée qui l'attend. Voici un bijou de récit aux allures de conte philosophique par un écrivain québécois qui rebrasse les cartes de la quête de la citoyenneté. Comment devient-on citoyen? Doit-on effacer notre mémoire? L'amour sauvera-t-il Adel? Car, oui, immigrer c'est aussi et surtout une autre conjugaison du verbe aimer (son nouveau pays), une autre façon d'élever le débat. De passage au festival de la poésie de Montréal 2017, j'ai tendu le micro de Mission encre noire à Salah El Khalfa Beddiari.
Extrait:«Adel est envoûté, l'amour le sidère. Il cède une pelure après l'autre jusqu'à son ocre épiderme. Creusera-t-il jusqu'à ses os? Il revient sur ses pas, prêt à se racheter, il demande pardon. Il cédera sur l'exclusivité, il partagera son amour s'il le faut, il s'excusera, il fera amende honorable. Adel s'invite chez son Amour. Il sort la langue de sa mère de la poche et la dépose sur la table, il la regarde puis la remet dans son coeur.«je l'enterre, tu ne la reverras plus jamais, mon Amour, dit-il.» »